Soutenance de thèse

Disagreeing about fiction

Intervenant(s)
Louis Rouillé
Informations pratiques
02 décembre 2019
9h
Lieu

ENS, salle Langevin, bâtiment Jaurés, 24 rue Lhomond, 75005 Paris

IJN

Jury:
Stacie FRIEND
 : Senion Lecturer in Philosophy, Birkbeck, University of London (Présidente)
Françoise LAVOCAT : Professeure de littérature comparée, Université Paris 3-Sorbonne nouvelle (Rapportrice)
Emar MAIER : Assistant Professor Philosophy & Linguistics, University of Groningen (Rapporteur)
Anne REBOUL : Directrice de recherche au CNRS, Institut Marc Jeannerod, UMR 5304 (Examinatrice)
Paul EGRE : Directeur de recherche au CNRS, Institut Jean Nicod, UMR 8129 (Directeur de thèse)
François RECANATI : Professeur au Collège de France (Directeur de thèse)

Résumé :

Dans cette thèse, je contribue aux débats contemporains en philosophie analytique sur la vérité, l’interprétation et la référence dans la fiction. Je défends une version du "fonctionnalisme" (issu de l’œuvre de Kendall Walton) selon lequel le concept clé pour analyser les fictions est la feinte ou le faire-semblant. Dans la première partie, je m’oppose à la théorie modale de la vérité dans la fiction et j’introduis ensuite une "sémantique de la feinte". La théorie modale dit que les énoncés fictionnels sont comme les énoncés contrefactuels, qui peuvent se voir attribuer des conditions de vérité dans la sémantique des mondes possibles. Mais le fictif déborde le possible, et même l’impossible (de l’hypothétique sémantique des mondes impossibles). De plus, la théorie modale est incompatible avec une théorie causale de l’information sémantique, qui a des bons arguments pour elle. Quant à la sémantique de la feinte, il s’agit d’un appareil formel donnant des conditions de fictionnalité (au lieu de conditions de vérité) provenant des caractéristiques réelles des accessoires utilisés dans les jeux de faire-semblant et des "principes de génération". Dans la deuxième partie, j’affine la sémantique de la feinte à partir d’une étude de cas. C’est un débat littéraire à propos ce qui est vrai dans la nouvelle de Kafka, "la Métamorphose". Nabokov a un jour donné un argument contre les critiques qui affirment que Gregor Samsa s’est transformé en un monstrueux cafard. Les cafards ne restent pas coincés sur le dos ; or, Gregor est coincé sur le dos dans la première scène. Nabokov affirme donc qu’il ne peut pas être un cafard ; ça doit être un gros scarabée. Pour analyser ce "grand débat du scarabée", j’utilise la notion de "désaccord sans faute" qui vient de l’épistémologie. J’étudie finalement l’indétermination des événements fictionnels qui, à mon sens, n’est ni linguistique ni ontologique, mais pragmatique. Dans la troisième partie, je défends l’antiréalisme des noms fictifs selon lequel les personnages de fiction n’existent pas et les noms fictifs ne font pas référence. L’antiréalisme est le pendant du fonctionnalisme sur la question de la référence. Bien qu’intuitive, cette théorie doit répondre à un contre-argument puissant basé sur des "emplois métafictionnels" des noms. Par exemple, on peut dire : "Emma Woodhouse est un personnage de fiction". Étant donné un principe de compositionalité, il s’ensuit que le nom "Emma Woodhouse" fait référence dans de tels contextes. Cet argument conduit à une forme de réalisme : les noms fictifs font référence à une sorte "d’artefact abstrait". Je montre que les meilleures théories réalistes sont inadéquates. Je fournis ensuite une analyse des données linguistiques en introduisant une notion de perspective. Cela me permet de circonscrire les énoncés métafictionnels problématiques pour l’antiréaliste. Ironie de l’histoire, les anti-réalistes buttent principalement sur des existentiels négatifs bien que ceux-ci affirment précisément l’idée centrale de l’antiréalisme, à savoir que les personnages de fiction n’existent pas. La sémantique de la feinte (qui donne des conditions de fictionnalité) est impuissante à leur donner des conditions de vérité. Pour les expliquer, j’utilise une logique libre positive qui se combine avec la sémantique de la feinte. L’antiréalisme est donc à la fois intuitif et tenable.