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Mis à jour
29 janvier 2021
GNT

Le GNT, une équipe transversale de recherche sur les neurosciences théoriques

Le Group for Neural Theory est une équipe transversale du DEC dont objet principal de recherche porte sur les bases du traitement de l'information dans le cerveau, en tâchant d'identifier des liens entre la dynamique neuronale et les bases neuronales des fonctions cognitives. Elle est dirigée par Boris Gutkin, directeur de recherche CNRS, membre du LNC2, spécialiste en neurosciences théoriques computationnelles dont les recherches portent sur la modélisation de la dynamique des circuits cérébraux, la neuromodulation, le comportement motivé, la dépendance, l'apprentissage machine. Boris Gutkin et la chercheuse Sophie Denève, spécialiste de la modélisation du codage neural, sont à l’origine de la création du GNT. Boris Gutkin parle de l'origine cette équipe, son évolution et des travaux de recherche qui y sont menés. 

 

Création d'une équipe de recherche sur les neurosciences théoriques, un environnement propice aux échanges, aux collaborations et à la formation

Boris GutkinL’idée de créer le GNT est née à Londres, lorsque Sophie Denève et Boris Gutkin, étaient tous les deux postdoctorants à UCL. Alors qu’ils envisagent leur retour en France, ils réfléchissent à la possibilité de créer à Paris un centre de recherches similaire au Gatsby Computational Neuroscience Unit, centre de classe mondiale pour les neurosciences computationnelles et théoriques et l'apprentissage machine. " Il se trouve que le Collège de France et l'ENS lançaient conjointement au même moment un appel à projets pour créer une nouvelle équipe en neurosciences computationnelles.  Raconte-t-il. Nous avons postulé et remporté l'appel." C'est ainsi que nait en 2005 l’équipe du GNT, hébergée au Collège de France et associée au DEC de l'ENS. L'objectif était de créer un centre sur les neurosciences théoriques propice aux échanges, aux collaborations et à la formation. En 2006, le GNT rejoint le Laboratoire de Neurosciences Cognitives en tant qu’équipe INSERM. "Etienne Koechlin a fortement contribué au développement et à l'évolution du GNT. Je lui en suis très reconnaissant" tient-il à préciserAu départ, l’équipe était composée de Sophie Denève, Boris Gutkin et Misha Tsodyks, un spécialiste des neurosciences théoriques et computationnelles aujourd’hui à l'Institute for Advanced Study dans le New Jersey. Christian Machens, professeur à l'Institut Champolimaud de Lisbonne, a été membre du GNT entre 2007 et 2011. Srdjan Ostojic, chercheur CNRS spécialiste de la dynamique des réseaux de neurones, a rejoint l’équipe en 2012, et Alex Cayco-Gajic, professeur junior à l'ENS, spécialiste des fonctions computationnelles du cervelet, il y a un an.

Le GNT, une équipe transversale du DEC

En 2019, le GNT devient une équipe transversale du DEC et accueille tous les scientifiques du département dont les travaux sont axés sur les méthodes computationnelles et quantitatives en neurosciences. C'est le cas de Peter Neri, Yves Boubenec, Shihab Shamma, et Alain de Cheveigné du Laboratoire des Systèmes Perceptifs, et de Emmanuel Dupoux du Laboratoire de Sciences Cognitives et Psycholinguistique. Des projets transversaux ont vu le jour combinant par exemple les neurosciences des systèmes et la modélisation des réseaux pour comprendre les principes du traitement auditif, menés par Yves Boubenec,  Shihab Shama et Srdjan Ostojic. Ou encore les travaux de recherche d’Yves Boubenec et Emmanuel Dupoux qui s'intéressent à la formation de catégories de sons dans les réseaux biologiques et artificiels. Les collaborations entre les laboratoires du département ne sont pas limitées à celles impliquant uniquement des membres de la nouvelle équipe transversale. Par exemple, un projet mené par Boris Gutkin en collaboration avec Stefano Palminteri (LNC2) et Sacha Bourgeois-Gironde (Institut Jean Nicod), intègre l'économie comportementale et la modélisation neuronale dans le  but de modéliser l'impact des traits cognitifs humains sur les marchés financiers. Ce type de projet attire des financements internes et externes et constitue désormais des axes de recherche majeurs pour les équipes impliquées. "Le positionnement du DEC et son interdisciplinarité ont un impact majeur sur la recherche que nous menons au GNT et sur la formation que nous offrons" souligne Boris Gutkin. En effet, l’offre de stage et la formation bénéficient également de toute la richesse offerte par la pluridisciplinarité. "Dans le futur, nous allons aussi parrainer des cours avancés pour les étudiants diplômés, en plus des cours que nous donnons déjà dans le cadre du programme Cogmaster" ajoute-t-il.

Un large spectre de sujets de recherche en neurosciences computationnelles

"Nous travaillons sur des sujets de recherche passionnants et variés" explique avec enthousiasme le directeur du GNT qui donne quelques exemples pour illustrer ses propos. "Pour ma part, je travaille, avec des chercheurs de l'Institut Pasteur et du National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) aux États-Unis. Nous étudions comment les récepteurs nicotiniques de l'acétylcholine peuvent contrôler les processus neuronaux. Nous avons notamment montré comment une mutation génétique clé observée chez les patients schizophrènes peut entraîner une pathologie de l'activité de l'état de repos dans le cortex préfrontal. Notre modèle, basé quantitativement sur des données, a permis de montrer exactement comment cette activité pathologique se produit et pourquoi les patients schizophrènes peuvent fumer pour s'auto-médicamenter. Dans une étude complémentaire, nous avons montré comment l'acétylcholine, agissant par l'intermédiaire de récepteurs nicotiniques, peut moduler et contrôler l'apprentissage dans l'hippocampe, affectant ainsi ses fonctions, telles que la mémoire et la navigation". 
Un autre exemple concerne les travaux de recherche menés par Sophie Denève depuis quelques années en collaboration avec Renaud Jardri du CHU de Lille pour comprendre d'où viennent les délires et les hallucinations chez les patients schizophrènes. "Il a été proposé que ces pathologies cognitives pouvaient provenir de la manière dont ces patients combinent de façon incorrecte les informations sensorielles avec leurs pensées internes pour produire des croyances délirantes et des hallucinations sensorielles. Certaines de ces découvertes passionnantes ont été validées expérimentalement et pourraient avoir un impact important sur la manière de traiter cette maladie".
Boris Gutkin souligne aussi le travail remarquable d'analyse et de compréhension effectué par l’équipe de Srdjan Ostojic sur la façon dont la structure de connectivité dans les réseaux neuronaux peut produire des modèles d'activité neuronale avec des échelles de temps arbitrairement longues. Une question clé en neurosciences et cruciale pour comprendre comment le cerveau peut effectuer des tâches cognitives sur plusieurs échelles de temps. "C’est travaux sont fondamentaux, confirme-t-il. De nombreuses données montrent que les processus cérébraux combinent des échelles de temps courtes et arbitrairement longues, explique le chercheur. Par exemple, les potentiels d'action et les courants synaptiques sont de l'ordre de quelques millisecondes, tandis que nos mémoires à long terme peuvent durer toute une vie. En même temps, si l'on examine la biophysique des neurones, on ne voit pas d'échelles de temps aussi longues. Alors, d'où cela vient-il ? C'est une question qui intrigue les neuroscientifiques depuis longtemps. Srdjan et son équipe ont montré que dans un réseau, si la connectivité est structurée de manière à avoir un rang bas (au sens de l'algèbre linéaire), alors ce genre de réseau peut avoir une dynamique vraiment longue, même si les neurones eux-mêmes n'en ont pas. En utilisant ce principe, on peut construire des réseaux qui combinent de nombreuses échelles de temps différentes et des dynamiques complexes." 

Le GNT, collaborateur clé de projets pluridisciplinaires internationaux liés à la recherche et à la formation

Le GNT est récemment devenu le centre parisien du projet AccelNet (Accelerating Research through International Network-to-Network Collaborations) dans le domaine des neurosciences computationnelles et de l’IA, financé par la National Science Foundation. Le réseau comprend plusieurs partenaires dans le nord-ouest des Etats-Unis, au Canada et en France. Son objectif est d'établir des collaborations et des échanges entre les partenaires et de promouvoir la recherche et la formation interdisciplinaire axées sur les interactions entre la théorie des neurosciences et l'IA. Le GNT est aussi impliqué dans le projet de réseau international iBrain lauréat d’un financement Erasmus+ Capacity Building, dont l'objectif est de créer un cursus de niveaux Master et Doctorat et une formation en neuroscience cognitive. "Nous sommes les principaux coordinateurs de ce réseau, avec des partenaires universitaires et privés au Royaume-Uni, au Danemark, en Russie et en Inde." Enfin, le GNT participe également aux initiatives de PSL en biologie quantitative Qlife et Qbio, et entretient des liens étroits avec l’Institut de Biologie (IBENS) et le département de physique de l’ENS.

EN SAVOIR PLUS SUR LE GNT

EN SAVOIR PLUS SUR BORIS GUTKIN

Son parcours

Etudiant en physique à l'Université d'État de Caroline du Nord (NCSU), Boris Gutkin imaginait travailler dans le domaine de la physique des solides et des sciences des matériaux. C’est au cours de sa troisième année, qu’il s’intéresse à la biologie. "Je me souviens avoir lu "Live of a Cell" de Lewis Thomas et cela m'a vraiment fasciné." Il commence alors à suivre des cours de biologie et de neurobiologie, puis découvre un cours de perfectionnement en biomathématiques. Il poursuit par un master en biomathématiques et travaille sur la modélisation de la détection somatosensorielle des bords corticaux à l'aide de réseaux neuronaux récurrents. Il combine ensuite une maîtrise en mathématiques appliquées et un doctorat en neurosciences au Center for Neural Basis of Cognition de l'université de Pittsburgh et de Carnegie Mellon. Puis effectue un postdoctorat à Paris, financé par une bourse de bioinformatique de la NSF". Il travaille à l'Institut Alfred Fessard à Gif-sur-Yvette, où il tente des expériences in vivo, puis à l'Institut Pasteur, où il collabore avec le neurobiologiste français, Jean-Pierre Changeux. "Il m'a poussé dans une toute nouvelle direction, la modélisation de la toxicomanie et de l'action des drogues addictives. Je lui en suis très reconnaissant car cela a eu un impact sur l'ensemble de mon parcours. Nous avons notamment travaillé sur la modélisation des mécanismes neuronaux qui rendent la nicotine addictive." Il occupe ensuite un poste de chercheur au Gatsby Computational Neuroscience Unit-UCL à Londres. En 2004, il est recruté par le CNRS et un an plus tard il devient membre du DEC où il fonde le GNT avec Sophie Denève au sein du LNC. Depuis 2013, il fait aussi partie d'une équipe qui a fondé le Center for Cognition & Decision Making de HSE University à Moscou, où il continue en tant que professeur invité et chercheur à diriger une équipe de neurothéorie et un nouveau projet de Centre National d'Excellence. 

Ses intérêts de recherche

A travers ses travaux de recherche, Boris Gutkin s'intéresse aux mécanismes neuronaux qui définissent le cerveau et les processus cognitifs et ce à plusieurs niveaux : de la cellule au circuit et aux comportements, et à la compréhension dont ces processus sont modifiés de façon dynamique par des processus endogènes tels que la neuromodulation, et par des facteurs exogènes, tels que les drogues et/ou les pathologies créant une dépendance. Boris Gutkin travaille aussi sur la biophysique des oscillations neurales et leur modulation ; au niveau du circuit des mécanismes de la dépendance à la nicotine, l'alcool et la cocaïne ; sur les modèles de mémoire de travail et de prise de décision, entre autres choses. "Je suis particulièrement enthousiaste face à une orientation récente de la recherche sur le développement de théories de la motivation intrinsèque qui lient l'apprentissage par le renforcement et l'influence de nos états internes. Par exemple, dans le cadre de cette théorie, nous avons montré comment la satisfaction des besoins physiologiques conduit à la rationalité. Nous commençons à appliquer ces modèles de motivation "homéostatique" à des données expérimentales sur le comportement animal et au comportement humain sur les marchés financiers. J'espère également que cela débouchera sur un nouveau projet de collaboration à grande échelle (en collaboration avec les laboratoires de Harvard, le groupe de Weizmann et Antonio Damasio à l'USC) sur la robotique molle et l'intelligence émotionnelle artificielle. "