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Mis à jour
30 novembre 2022
LSCP

Nouvelles avancées sur les facteurs génétiques impliqués dans la dyslexie

Trois études conduites par un consortium mondial et publiées dans les revues Molecular Psychiatry, PNAS et Nature Genetics mettent à jour plusieurs dizaines de gènes associés à la dyslexie et aux compétences en lecture. Ces analyses ont été effectuées sur un nombre important de participant·e·s. Elles ont permis de détecter les premières variations génétiques associées à la dyslexie et aux compétences en lecture dans des gènes qui jouent un rôle dans le développement d’aires cérébrales impliquées dans le langage. Franck Ramus, directeur de l'équipe Développement Cognitif et Pathologie à l'ENS, et Thomas Bourgeron, directeur de l'unité Génétique Humaine et Fonctions Cognitives à l'Institut Pasteur, ont mené pendant de longues années des études sur les bases génétiques de la dyslexie. Leurs données ont été mises en commun avec ce consortium et portent maintenant leurs fruits (Communiqué du CNRS).

La dyslexie est un trouble spécifique de l’acquisition de la lecture et de l’orthographe, qui affecte environ 5% des enfants. Les études de familles et de jumeaux ont suggéré depuis longtemps une composante génétique à la dyslexie. Ces 20 dernières années, plusieurs études ont avancé que certains gènes étaient associés à la dyslexie mais les résultats génétiques étaient jusqu’à présent peu informatifs, car les effectifs étaient encore insuffisants pour mener des analyses à l’échelle du génome entier.

C’est pour cela que de nombreux scientifiques possédant des données génétiques relatives aux capacités de langage ont créé le consortium Genlang, dont le but est de rassembler toutes les données existantes au niveau mondial pour réaliser des études génome-entier sur le langage et sur ses troubles.

Trois études récemment publiées dévoilent enfin les premiers résultats de ces analyses.

Une première étude a analysé les données de 9 populations dans 6 langues européennes pour comparer le génome de 2 000 personnes dyslexiques et 6 000 témoins (Gialluisi et coll. 2021). Une seconde étude a rassemblé les données de 22 cohortes dans 12 pays comprenant 34 000 participants dont les compétences de langage oral ou écrit avaient été testées, et dont l’ADN a été analysé (Eising et coll. 2022). Enfin, une troisième étude a analysé les données génétiques de plus d’un million de clients de la compagnie 23andMe, volontaires pour participer à la recherche et qui avaient répondu à la question « Avez-vous eu un diagnostic de dyslexie ? » (et dont 50 000 avaient répondu « oui ») (Doust et coll. 2022).

  • Les résultats de génétique moléculaire obtenus par ces travaux confirment ceux obtenus par les études de jumeaux sur l’héritabilité de la dyslexie, et plus généralement des capacités de langage oral et écrit. Les variations génétiques identifiées dans ces études expliquent 20 à 25% du risque de dyslexie ainsi que des performances dans des tests de lecture, d’orthographe et de conscience phonologique.
  • Plusieurs dizaines de variations génétiques statistiquement associées aux performances de langage écrit ou à la dyslexie ont été identifiées. Aucun de ces gènes n’est un « gène du langage » ou un « gène de la dyslexie », mais des variations que l’on retrouve dans la population générale peuvent légèrement augmenter le risque de dyslexie; elles peuvent aussi diminuer les scores dans les tests de lecture de quelques points. Aucun gène n’a donc un effet très important sur la lecture et la dyslexie, ce sont les effets cumulés de nombreux gènes qui constituent leur héritabilité.
  • Les mécanismes précis par lesquels ces gènes modulent les capacités de langage restent largement inconnus. Néanmoins, les analyses montrent que les protéines codées par ces gènes sont exprimées principalement dans le cerveau, notamment pendant la période fœtale. Par ailleurs, une partie des variations génétiques identifiées sont également associées à des variations d’un réseau de régions cérébrales impliquées dans le langage, et plus particulièrement avec la surface du sillon temporal supérieur gauche, une région connue pour son implication dans le traitement de la parole et dans les correspondances entre lettres et sons.
  • Enfin, les analyses de corrélations génétiques révèlent dans quelle mesure les variations génétiques associées à la lecture et à la dyslexie sont également associées à d’autres traits. Elles montrent que ces variations génétiques sont en partie associées à bien d’autres traits cognitifs, notamment l’intelligence verbale, de même qu’à d’autres troubles neurodéveloppementaux, notamment le trouble déficit de l’attention-hyperactivité (TDAH), et enfin aussi à des variables telles que le plus haut niveau de diplôme obtenu. Ces analyses suggèrent que certains facteurs génétiques associés à la dyslexie ont aussi des effets très généraux sur le cerveau et sur l’ensemble des fonctions cognitives. Elles contribuent à expliquer la fréquente cooccurrence entre dyslexie et TDAH.

Ces nouveaux résultats contribuent donc à éclairer les causes génétiques de la dyslexie, les mécanismes cérébraux sous-jacents ainsi que les liens entre la dyslexie et les autres troubles neurodéveloppementaux.

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© 2022, Eising E. and all. Figure : Régions cérébrales dont la surface est associée à certaines des variations génétiques associées à la performance en langage oral et écrit. Le code couleur indique la corrélation génétique (rg).


 

Pour en savoir plus :

Communiqué de presse CNRS