Interview
Mis à jour
25 janvier 2021

Une année de césure pour explorer les sciences cognitives au service de l’éducation. Rencontre avec Clémence Pichon

Clémence Pichon est normalienne au DEC. Passionnée par les sciences cognitives et l’éducation, elle effectue une année de césure durant laquelle elle participe à un projet ambitieux sur l’éducation avec l’Académie de Versailles. Rencontre avec une étudiante engagée.

 

Clémence Pichon

Clémence Pichon est rentrée à l’ENS-PSL en 2018 sur concours après avoir fait une classe préparatoire pluridisciplinaire, Lettres et Sciences Sociales. « Je me suis passionnée pour les sciences cognitives durant mes années de prépa, raconte-telle, et notamment son lien avec l'éducation puisque c'est mon domaine d'intérêt principal, venant d'une famille d'enseignants. » Elle intègre alors le DEC en L3 dès sa première année à l’école.

Une année de césure pour explorer les systèmes éducatifs

Cette année de césure est à la fois un grand coup du hasard et un désir qui habitait Clémence dès sa première année de master. « Pendant mon M1 du Cogmaster, je réfléchissais déjà à une césure pour partir explorer des systèmes éducatifs à l'étranger ou m'impliquer dans un projet de recherche appliqué sur ces différents systèmes scolaires ». Elle a alors l’occasion d’effectuer un stage avec Coralie Chevallier, chercheuse en sciences cognitives à l’ENS, et Elise Huillery chercheuse en économie à l’Université Paris Dauphine-PSL au second semestre, qu’elle mènera d’ailleurs en grande partie confinée. « Ce stage était en fait le début d'un grand projet de recherche mené avec l'académie de Versailles. Avec la mise en place du projet, Yann Algan, économiste à Sciences Po, spécialiste de l'éducation et Elise Huillery avaient besoin de quelqu'un pour travailler à plein temps. Le projet m'intéressait énormément, de part son ambition, ses thèmes mais aussi parce que j'avais contribué à en déterminer le cadre. » La situation sanitaire mondiale obligeant Clémence à revoir ses ambitions d'explorer les systèmes éducatifs étrangers et la dimension internationale en partie présente dans ce projet l’amènent à accepter cette proposition. « C’est pour moi l'occasion de rencontrer de multiples acteurs du milieu éducatif (des chercheurs de disciplines et intérêts variés, des personnels de l'académie de Versailles, mais aussi des acteurs de différentes organisations en éducation que nous essayons de mobiliser), de côtoyer des enseignants et d'apprendre énormément de leurs expériences, d'être au coeur de la création d'une formation pour enseignants, de contribuer à changer un petit peu la manière dont enseignent certains enseignants pour développer la motivation et la persévérance scolaire de leurs élèves. » En plus de lui permettre d’affiner ses goûts, de l’éclairer sur ses choix futurs, ce projet lui offre la possibilité de participer à un projet de recherche ambitieux et utile.

« MotivAction », une formation pour aider les enseignants à construire des pratiques pédagogiques efficaces pour développer les compétences socio-comportementales des jeunes élèves

MotivActionClémence avait déjà travaillé déjà avec Coralie, Yann et Elise en première année comme assistante de recherche sur l'évaluation du programme Energie Jeunes (https://energiejeunes.fr). « Ce programme consistait en une intervention de 3h par an dans des classes de collège pour développer la motivation et la persévérance des élèves et j'avais participé à sa dernière année d'évaluation, qui a révélé de vrais impacts. » C'est cette étude qui a motivé le projet de formation MotivAction lancé en février dernier, et auquel il lui a été proposé de participer. Ce projet part du constat que les comportements, l’attitude des élèves par rapport au travail est aussi importante que l’intelligence, notamment la motivation que l’enfant met à la tâche et la persévérance. Trois facteurs à la source de la motivation et de la persévérance ont été identifiés parmi d’autres : une bonne estime de soi, le sentiment d’être capable de réaliser des tâches, la coopération. Ces facteurs sont ce que l’on appelle des compétences socio-comportementales et ils sont fondamentales pour la réussite scolaire. Des expériences à l’étranger ont montré que certaines pratiques, certains discours et certaines activités au sein de l’école ont un impact très positif sur les élèves et sur leurs compétences socio-comportementales. L’objectif de ce programme est donc de renforcer ces compétences à l’école. Et pour cela, l’enseignant a un rôle crucial puisqu’il est directement en contact, et cela plusieurs heures durant et chaque jour, avec ses élèves. Ce programme propose une formation adossée à un projet de recherche. Cette formation d’une durée de 1 à 3 jours pour les enseignants de CP de l'académie de Versailles tourne autour de deux pôles : le renforcement de la culture scientifique des participants avec l’intervention de chercheurs (conférences de recherche sur des thèmes liés au développement des compétences  socio-comportementales), l’enrichissement des pratiques et gestes professionnels et la construction de nouvelles pratiques qui peuvent être mises en application en classe. L'objectif est de modifier les perceptions et les pratiques des enseignants pour avoir un impact positif sur les élèves en termes de compétences socio-comportementales, de bien-être à l'école, de motivation et donc améliorer à termes leurs apprentissages. « Nous utilisons les apports des sciences cognitives pour mieux comprendre quels sont les leviers sur lesquels les enseignants  peuvent jouer pour développer ces compétences. »

Et l’après césure ?

A la rentrée prochaine, Clémence rentrera en M2 du Cogmaster et penche pour la majeure Ingénierie cognitive créée pour répondre aux besoins définis par le nombre croissants d’applications des sciences cognitives dans des secteurs très variés tels que l’éducation, les politiques publiques, l’interface cerveau-machine etc. Elle envisage un stage plutôt appliqué. « Pour l'instant, j'aimerais beaucoup faire un stage qui inclut des liens avec des systèmes éducatifs différents et/ou des liens avec l'éducation à l'environnement, la citoyenneté, l'esprit critique ». A terme, elle souhaite passer le concours de professeur des écoles, et aimerait évoluer vers une thèse liant sciences cognitives et éducation. « Mais, ayant encore deux ans de scolarité à faire à l'ENS, il me reste encore un peu de temps pour y penser. »